Contribution de l’association EDEN sur projet A31
Bien que l’association œuvre principalement sur l’agglomération nancéienne et le Sud Meurthe et Moselle, EDEN tient néanmoins à faire part de son avis sur le projet d’élargissement de l’A31, car, quel que soit le choix du tracé, ce projet impacte l’ensemble de la Meurthe-et-Moselle.
Il convient de rappeler que ce projet doit s’inscrire dans le contexte de la transition écologique et donc, dans ce cadre, avant toute chose, nous devons nous interroger sur la pertinence du projet au regard des enjeux climatiques et biodiversité.
Enfin, il convient aussi d’examiner le projet à l’aune de ses répercussions économiques tant en matière d’investissement que d’exploitation.
Au titre de la transition écologique, le projet doit examiner :
– les répercussions sur les émissions de gaz à effets de serre,
– les conséquences sonores et sanitaires du trafic,
– les impacts sur la biodiversité et l’artificialisation des sols.
Sur les émissions de gaz à effets de serre, le projet, quel que soit le tracé, engendrerait une augmentation de trafic. Les études menées aux États-Unis et ailleurs démontrent que le dédoublement d’une autoroute saturée aboutit relativement rapidement à une nouvelle saturation par report des véhicules qui avaient une stratégie d’évitement des ralentissements sur la nouvelle autoroute ou route. L’investissement se révèle alors improductif. Ce phénomène serait ici accentué par le report du trafic alsacien découlant de la mise en place d’un péage pour les poids lourds dans la plaine alsacienne. L’investissement serait encore plus générateur de gaz à effets de serre.
Sur les conséquences sonores et sanitaires, les rejets nocifs tant de particules que gaz liés à l’augmentation du trafic, eux aussi, augmenteraient nécessairement et, la qualité de l’air dans le sillon mosellan se verrait encore plus dégradée. Il n’est pas nécessaire de rappeler l’impact des rejets nocifs sur la mortalité précoce et les maladies respiratoires et allergies pour insister sur la nécessité d’intégrer ce point dans les impacts du projet tant du point de vue humain qu’économique via les coûts en santé publique.
Au volet rejet s’adjoint un volet bruit. Même si un traitement des nuisances sonores était programmé, les murs ne feraient qu’atténuer le bruit, mais ne l’éliminerait pas. Et la saturation du trafic viendrait encore accentuer les nuisances sonores malgré les traitements initiaux. L’investissement futur ne saurait non plus se justifier par son impact sur la diminution des nuisances actuelles, celles-ci doivent être envisagées et traitées indépendamment du projet.
Sur la biodiversité et l’artificialisation des sols, là aussi, pas des prétextes quant aux mises en conformité et traitement des risques que le projet résoudrait. Ce serait hors sujet que d’y faire allusion. Ces travaux doivent être entrepris même sans A31 bis.
Sur la biodiversité, plus précisément, le récent sommet mondial a montré quels dangers pèsent sur elle. Certes des études d’impact seraient réalisées, mais il est aisé et fréquent de minimiser les réels impacts. Ces études sont d’ailleurs parcellaires, car elles occultent un pan entier de la biodiversité : la faune, la flore et les micro-organismes du sol qui représentent à titre d’exemple pour les lombriciens jusqu’à 2 tonnes à l’hectare et 500 individus au m². Il convient de rappeler aussi que les systèmes racinaires représentent 15 à 30 % de la biomasse d’une forêt et 75 à 95 % de celle d’une prairie. Le sol est ainsi une formidable pompe à CO2. En l’artificialisant, on se priverait d’un stockage naturel de CO2. Il faut réserver l’artificialisation aux projets réellement impératifs (hôpitaux par exemple…) et non à une autoroute.
Deuxième point sur l’artificialisation des sols, le ruissellement serait certes traité par des bassins de rétention, mais pas totalement. Et il ne faut pas oublier non plus le rôle que le sol joue dans le cycle de l’eau tant en temps que réserve et que limitation du ruissellement avec sa couverture végétale.
Enfin, le projet entraînerait la stérilisation de terres agricoles, irrécupérables par la suite, car un sol met des siècles à des millénaires à se reconstituer. Quand sa restauration par apport externe, elle se ferait au détriment d’autres sols. Nous devons raisonner sur ce type de travaux en nous projetant sur des siècles et non plus dans l’immédiateté d’un trafic supposé saturé.
Pour ce qui est des aspects économiques, ils sont à examiner sous les deux angles : investissement et exploitation.
Sur l’investissement, les coûts estimés étant prohibitifs au regard des capacités d’investissement actuel si l’on veut maîtriser la dépense publique. L’ « orthodoxie » financière prônée par les accords européens et fréquemment rappelée par le gouvernement milite pour que cet investissement qui ne générerait pas de recettes ou de gain de compétitivité tant de la région que du pays soit abandonné. Et ce, d’autant plus que l’histoire montre qu’en matière d’investissement public les coûts prévisionnels ne sont que rarement tenus et très fréquemment explosés. La ressource financière étant rare et se renchérissant du fait de l’augmentation des taux d’intérêts, il convient de la réserver aux projets ménageant l’avenir. La solution alternative du ferroutage et des transports en commun (cars ou trains) doit être aujourd’hui mise en œuvre et, ponctionner les finances publiques pour une autoroute hypothèque l’avenir des solutions aux impacts moins agressifs sur l’environnement. Il faut redonner au rail ses lettres de noblesse hors tout TGV. L’exemple de la Suisse est là pour le prouver, la densification du trafic routier n’est pas inéluctable. De plus, le développement du télétravail qui s’est amorcé suite à la pandémie aura un impact positif sur la circulation. La rénovation des transports urbains dans les agglomérations en facilitant les transferts modaux devrait participer aussi à cette diminution du tout voiture. Les déplacements de plus longue distance doivent également être pris en considération en restaurant la ligne Luxembourg-Lyon engendrant là aussi un transfert modal.
Sur l’exploitation, là encore en facilitant le transport par route via l’autoroute A31, l’usure prématurée de la chaussée et des ouvrages serait accrue compte tenu de la densité du trafic. Il suffit de voir la dégradation rapide des revêtements de la RN4 pour s’en rendre compte. Il y aurait d’ailleurs un effet aussi négatif sur cette RN4 qui verrait son trafic impacté par un report sur celle-ci gratuite plutôt que sur l’A4 payante. Ces coûts d’exploitation viendraient grever un budget régional déjà contraint aujourd’hui.
En conclusion, EDEN considère que ce projet est en complète contradiction avec les objectifs de la transition écologique et de la préservation de la biodiversité. Avant, tout examen d’un investissement routier, les mobilités écologiques et saines doivent être privilégiées : l’urgence climatique et la biodiversité l’exigent.
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