EDEN s’oppose au projet ZFE-m de la Métropole
Après analyse minutieuse de l’étude relative à la mise en œuvre de la zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) de la Métropole, EDEN a toutes les raisons de s’opposer à sa mise en œuvre telle qu’envisagée en 2028 pour les véhicules particuliers et reste très réservée sur les véhicules utilitaires légers dès 2025. EDEN encourage néanmoins la Métropole à mettre en œuvre les mesures d’accompagnement et d’aides financières au changement de véhicule. Nous faisons remarquer que le respect des objectifs fixés dans le P2M (plan Métropolitain des mobilités) est essentiel pour rester conforme aux simulations présentées dans l’étude relative à la mise en œuvre de la ZFE-m sur laquelle nous nous basons.
La consultation publique de la Métropole est ouverte jusqu’au mercredi 2 octobre prochain, n’hésitez pas à soutenir notre proposition sur la plateforme de participation ici : https://jeparticipe.metropolegrandnancy.fr/processes/concertation-ZFE/f/1019/proposals/4806
Cadre réglementaire obligatoire
Pour commencer, ces dispositions n’ont rien d’obligatoire puisque le minimum imposé légalement (Voir le code général des collectivités territoriales Article L2213-4-1 alinéa VI https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043976834 ) consiste à interdire les poids-lourds non classés au 1er janvier 2025 sur un périmètre concernant au moins 50 % de la population métropolitaine. Ces professionnels renouvellent régulièrement leur flotte, il aurait été facile de s’en tenir à ce principe.
Complexité administrative
ZFE-m est une complexité administrative lourde à mettre en œuvre, avec toute la signalisation à installer, les systèmes de contrôle pour la faire respecter, les régimes dérogatoires, etc. Cette complexité généra nécessairement des coûts tant pour la collectivité que chez les personnes impactées. Ces dépenses pourraient être affectées directement à de l’investissement dans les mobilités alternatives à la voiture individuelle.
Zéro budget, zéro chiffrage
EDEN regrette qu’aucun chiffrage du projet ne soit indiqué sur la consultation publique. Pourtant, le projet n’est pas indolore pour les finances publiques, avec les nombreuses aides à l’achat et au remplacement de véhicules, l’ensemble de la signalétique, les moyens humains et administratifs pour conseiller et assurer les régimes dérogatoires, l’impact sur le travail des forces de polices et les moyens de contrôle, etc.
Effets mesurés de la ZFE-m
L’impact direct de la ZFE-m sera totalement résiduel, de l’ordre d’une baisse maximale de 4% en 2025 (sinon 2% en 2028) des émissions de polluants du secteur routier alors que l’essentiel de la baisse des émissions et des concentrations de polluants sera soutenu par les évolutions technologiques et le renouvellement normal du parc automobile.
Extraits de l’étude de la Métropole sur l’impact de la ZFE estimé sur l’évolution des émissions de polluants du secteur routier :
Oxydes d’Azote
PM10
Toutes émissions comprises (échappement et abrasion)
PM 2,5
Toutes émissions comprises (échappement et abrasion)
Une qualité de l’air qui s’améliore dans tous les cas
Avec ou sans ZFE-m, les projections de l’étude montrent que les recommandations OMS seront respectées pour les concentrations d’oxydes d’azote et les PM10. Les concentrations de PM2,5 respecteront quant à elle les prochaines normes européennes de 2030, légèrement au-dessus des recommandations OMS néanmoins.
Les graphiques suivants présentent les simulations de l’organisme « Atmo Grand Est » concernant la concentration des trois polluants atmosphériques sous l’effet de la mise en œuvre de la ZFE-m et de la politique de transition des mobilités.
L’étude ne contient malheureusement pas de simulations sans mise en œuvre de la ZFE-m, mais au regard des projections d’émissions présentées ci-avant, il ne fait pas de doute que son effet sera négligeable.
Oxydes d’azote
PM 10
PM 2,5
Effets socio-économiques
La ZFE-m sera indolore pour les ménages et professionnels aisés, mais sera compliquée à mettre en œuvre pour les ménages les moins riches de la Métropole et les artisans malgré les aides significatives. Ces profils sont ceux qui possèdent les véhicules les plus anciens.
La ZFE-m aura également un impact sur les personnes et petites entreprises domiciliées à l’extérieur de la Métropole et se rendant sur son territoire. Ces profils sont également ceux qui possèdent les véhicules les plus anciens. Aucune aide n’est prévue pour eux, augmentant la fracture territoriale.
Des ambitions sanitaires à la hauteur
EDEN souligne positivement l’ambition de la Métropole de respecter sur son territoire les dernières recommandations les plus exigeantes de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) en-dessous des futures normes européennes en matière de pollution atmosphérique.
Incertitudes sur le respect des objectifs du P2M
EDEN fait toutefois remarquer que le « scénario prospectif » considère que les objectifs métropolitains du P2M en matière de parts modales seront atteints, ce qui nous paraît relativement improbable avec les mesures déjà planifiées d’aménagements du territoire.
Rappel des objectifs du P2M :
Il est possible que l’usage de la voiture soit plus important que prévu et que les modélisations proposées soient faussées. Seule une nouvelle enquête ménage sera en mesure de le prouver précisément. Il serait pertinent d’en lancer durant le début du prochain mandat, la dernière datant de 2013.
Nous renvoyons vers notre analyse du P2M qui annonçait les point d’achoppement de ce nouveau plan métropolitain des mobilités, toujours valable aujourd’hui :
https://as-eden.org/plan-metropolitain-des-mobilites-lanalyse-deden/
Des mesures d’accompagnement salutaires…
Outre le projet ZFE-m que nous contestons, EDEN soutient les mesures de la Métropole favorisant les transitions des mobilités, y compris les conseils et aides à l’achat de nouveaux véhicules moins polluants.
EDEN invite la Métropole à élargir son aide à l’achat aux EDPM (Engins de Déplacement Personnels Motorisés), pas seulement aux vélos spéciaux.
…qui augmentent la fracture socio-territoriale
Néanmoins, nous soulevons une problématique intrinsèque à ces aides. Elles ne bénéficieront qu’aux métropolitains, alors que les usagers extérieurs à la Métropole qui se rendent quotidiennement sur le territoire métropolitain ne pourront pas y avoir droit. Cette disposition risque d’accentuer la fracture territoriale. Nous suggérons de porter ce sujet des aides à la transition des mobilités à l’échelle du SCOT 54 voire du Département et de coordonner le déploiement ces aides entre les collectivités du bassin de vie.
Taux de motorisation des ménages en 2018 par intercommunalité (INSEE) :
La part modale de la voiture dans le Sud Meurthe-et-Moselle est de 57 % : ce sont donc près de 3 déplacements sur 5 qui sont effectués en voiture (1,087 million de déplacements). Même si les habitants du Grand Nancy réalisent moins de la moitié de leurs déplacements en voiture, ils sont à l’origine de 442 200 déplacements automobiles soit près de 41 % des déplacements journaliers effectués sur l’ensemble du territoire du Sud 54.
Les Métropolitains qui utilisent encore leur voiture sont ceux qui constituent la part des usagers qui pourront le plus facilement se passer de la voiture au profit du vélo et des transports en commun, puisque les distances à parcourir pour eux sont les plus faibles.
EDEN relève que la fracture sociale et territoriale s’accentue entre les villes-centres et leurs périphéries. L’agglomération nancéienne n’y échappe pas. Les communes périurbaines constituées des quartiers résidentiels « dortoirs » dépendent énormément de la voiture pour accéder aux services essentiels, de plus en plus éloignés et centralisés. Limiter l’accès automobile à ces habitants (ou les stigmatiser via la mise en place de mesures trop coercitives) contribuera à alimenter la fracture socio-territoriale. Il est donc urgent de prioriser le développement des modes alternatifs crédibles à la voiture pour désengorger le trafic tout en permettant aux automobilistes extérieurs à la Métropole d’accéder facilement au centre-ville, y compris via le développement des parkings relais, des réseaux de transport en commun ainsi que du transport ferrovière.
Quid de l’élargissement de l’A31 ?
L’étude ne semble pas prendre en compte l’effet du trafic induit engendré par le projet d’élargissement de l’A31, qui aura nécessairement des effets sanitaires importants sur la pollution de l’air même si une voie covoiturage et transports collectifs sera mise en œuvre. Il convient aussi de noter que l’A31 est présente dans le périmètre géographique de la ZFE-m. Cela peut-être mal perçu et contradictoire par nos concitoyens.
EDEN s’était positionnée contre son élargissement. Retrouvez notre avis ici : https://as-eden.org/contribution-de-lassociation-eden-sur-projet-a31/
Ralentissons sur l’A31 !
Nous soutenons la proposition du conseil municipal de Maxéville qui demande à la Préfecture de réduire la vitesse à 70 km/h sur la portion d’autoroute présente sur son territoire dans le cadre de cette contribution publique. En effet, le trafic provoque des nuisances sonores et de la pollution qui pourront être atténuées par cette mesure de réduction de vitesse.
Néanmoins, avant de prendre cette décision, nous invitons la Métropole et la Préfecture de mesurer son impact quant aux GPS qui pourraient proposer des itinéraires alternatifs plus rapides par le centre-ville sur les itinéraires Nord – Sud de la Métropole, plutôt que de faire le tour par l’autoroute. Il sera alors peut-être pertinent de ralentir la vitesse sur certains axes stratégiques, comme le boulevard Scarpone, la rue Jeanne d’Arc, l’avenue de Metz, etc.
Tarification différenciée de stationnement
Nous notons que le système de classification de l’État Crit’Air, d’un point de vue technique, n’est pas toujours pertinent.
Par exemple, comment est-il possible que des véhicules légers classifiés « Sport Utility Vehicle » (SUV) ayant une masse à vide souvent supérieure à 2 tonnes, puissent bénéficier à technologie de motorisation égale, de la même catégorie Crit’Air que des petites citadines se situant sous la barre symbolique d’une tonne (hors motorisation électrique) ?
Pourtant, les SUV vendus sur la dernière décennie émettait en moyenne 20 % de CO2 de plus que leur équivalent standard pour chaque kilomètre parcouru (https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2020-10/20201005_Etude_L-impact-ecrasant-des-SUV-sur-le-climat_WWF-France.pdf) (on peut donc en déduire logiquement que l’écart est plus important avec exclusivement les petites citadines). Cette surconsommation d’énergies fossiles engendre une augmentation de pollution dans l’atmosphère, davantage de particules issues du freinage, des pneus, etc.
Ces véhicules surdimensionnés, nécessitent des voies de circulations et de stationnements toujours plus larges pour les accueillir, réduisant ainsi les capacités pour la Métropole d’attribuer ces mêmes espaces à d’autres usages tels que des voies de circulation pour véhicules collectifs et non motorisés, ou encore d’espace verts avec plantations d’arbres.
Exemple de la ville de Paris
En parangonnage, nous proposons à la Métropole du Grand Nancy de s’inspirer de la démarche récente de la ville de Paris, qui rentrera en application le 1er octobre 2024. Cette démarche nommée « Les tarifs du stationnement « SUV » », consiste à appliquer un tarif plus élevé pour les véhicules motorisés, d’une masse de 1,6 T ou plus pour les thermiques, 2 T ou plus pour les électrique et « basse émission » (https://www.paris.fr/pages/tarifs-suv-modalites-de-controle-ce-qui-change-avec-la-reforme-du-stationnement-2024-27224).
Il s’agit d’un format à adapter localement, par exemple en lui ajoutant en parallèle un tarif réduit pour les véhicules les plus légers (voiturettes, petites citadines).
Effets de la mesure
Les SUV représentent sur l’année 2023 47 % des parts de marché automobiles en France (https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/le-suv-nouvel-empereur-decrie-du-marche-automobile-francais-2044423). Ainsi, il est certain que ce type de mesure aurait un impact sur le territoire, incitant les automobilistes à privilégier leur véhicule le plus modeste s’ils en ont plusieurs, soit se rééquiper avec un tel véhicule. Cependant, nous notons que de part le manque de recul sur ce type de démarche politique, il est incertain que l’effet escompté soit retranscrit à grande échelle dans la réalité.
De plus, EDEN estime que mettre en place ce système de tarification différenciée de stationnement impacterons moins les foyers et professionnels les plus modestes, à l’inverse de l’application stricte de la classifications Crit’Air, puisque ceux-ci ne sont pas toujours en capacité financière de s’équiper de ce type de véhicule.
Enfin, nous pensons que cette démarche de tarification ne doit être considérée que comme une étape transitoire, et à plus long terme accessoire, en attendant que les pratiques évoluent à grandes échelles vers des modes de vies et moyens de transports plus vertueux que l’usage de la voiture individuelle.
Conclusion
EDEN reste convaincu que cette transition peut se faire de manière positive, déterminée et populaire, en prenant exemple sur des villes européennes ayant réussi totalement ou partiellement cette transition.
Ce projet de ZFE-m ressemble essentiellement à un coûteux coup de communication avec des effets marginaux sur la pollution de l’air. Cette réglementation locale risque néanmoins de nuire à une portion significative de la population moins favorisée, souvent périurbaine qui aura des difficultés à s’adapter.
EDEN insiste sur l’importance d’aménager nos communes, nos villes et notre environnement pour inviter à s’y déplacer et à y vivre autrement qu’en voiture. Toute la place nécessaire doit être faite aux piétons, aux transports en commun, aux cyclistes et autres modes de déplacement actifs ou doux.
À propos de la circulation différenciée lors d’épisodes de pollution
EDEN reste favorable à la mise en œuvre de la circulation différenciée basée sur la vignette Crit’air lors d’épisodes de pollution particulièrement intenses. Cette disposition est réglementairement mise en œuvre par la Préfecture, pas par la Métropole et est indépendante de la ZFE-m. Nous avions fait part de nos observations lors de sa phase de concertation publique :
https://as-eden.org/qualite-de-lair/vignette-critair-sur-le-grand-nancy/
Nous faisons remarquer que la circulation différenciée n’a jamais été déclenchée sur le territoire depuis que la vignette Crit’air y a été déployée. En effet, les épisodes de pollution ont toujours été suffisamment contenus et courts pour éviter d’avoir recours à cette mesure radicale.