Écotaxe poids lourds : démêler le vrai du faux en 10 points
L’écotaxe poids lourds a subi des attaques de toutes parts, avant d’être suspendue fin octobre 2013 par le Premier ministre. Alors qu’elle continue à faire débat, France Nature Environnement démêle le vrai du faux.
L’usage du réseau routier est gratuit…mais son entretien nous coûte cher : vrai
Alors que la circulation sur le réseau routier hors autoroutes, est actuellement gratuite pour les poids lourds, l’utilisation des réseaux ferroviaires et fluviaux fait l’objet d’un péage. Il serait normal que les acteurs économiques français et étrangers, utilisateurs principaux du réseau routier, paient leur part, sur le principe de l’utilisateur/payeur mais aussi du pollueur/payeur. L’écotaxe est donc bel et bien une redevance versée en échange du droit d’usage d’un service.
Si l’écotaxe est supprimée, les impôts n’augmenteront pas : faux
Le coût du réseau routier (entretien) est actuellement supporté par la collectivité, c’est-à-dire par le contribuable français et les impôts dont il s’acquitte. La suspension de l’écotaxe représente un manque à gagner qu’il faudra obligatoirement compenser par une augmentation des impôts.
Les exonérations pour les transporteurs sont nombreuses : vrai
Le transport routier de marchandises a bénéficié depuis 2009 de mesures favorisant son développement en anticipation de la mise en place de l’écotaxe. Ces mesures (réduction de la taxe à l’essieu, augmentation du dégrèvement des taxes sur le gasoil, généralisation du 44 tonnes…) représentent un coût important pour les finances publiques : 800 millions de cadeaux fiscaux concédés auxquels il faut ajouter 1,2 milliard de manque à gagner annuel en cas de suppression de l’écotaxe et 800 millions à payer au prestataire en cas de dédit. La facture grimpera vite pour approcher les 3 milliards d’euros en 2014 ! De plus, rappelons que l’écotaxe fait déjà l’objet d’allégements et d’aménagements pour certaines régions comme par exemple la Bretagne (réduction de 50%).
L’écotaxe permet de rééquilibrer la concurrence avec les membres de l’Union européenne : vrai
Ce type de redevance est déjà entré en vigueur dans plusieurs pays européens : Allemagne (depuis 2005), Suisse (depuis 2001), Autriche (depuis 2004) etc. Le secteur des transports routiers souffre en effet de la concurrence déloyale de certains pays, notamment européens, en raison d’un vrai dumping social. En taxant le réseau des grandes routes nationales qui subissent un report des camions souhaitant éviter le réseau autoroutier payant, l’écotaxe fera donc payer les 800 000 camions, dont 200 000 de compagnies étrangères, qui circulent pour l’instant gratuitement en France chaque année.
L’écotaxe protège nos territoires et l’économie de proximité : vrai
Dans le contexte de notre économie mondialisée, les sites de production sont souvent très éloignés des lieux de distribution, situation rendue possible par un système de transport routier sous tarifé et très loin de son coût sociétal. Le montant de l’écotaxe dépend du nombre de kilomètres parcourus et du poids du véhicule. En faisant payer plus le transport longue distance, il s’agit d’un dispositif qui rend plus compétitifs les produits de proximité ayant de surcroit peu contribué au réchauffement climatique et à la dégradation de la qualité de l’air. Son objectif est donc d’inciter au changement de comportement.
L’écotaxe est responsable de la situation économique de la Bretagne : faux
La situation que connait aujourd’hui la Bretagne est avant tout le résultat d’un modèle productiviste à la dérive qui génère une baisse de revenus et désespoir chez bon nombre de petits paysans. Modèle productiviste qui profite d’un transport routier sous-tarifé, justifie des parcours parfois invraisemblables pour nos produits et ce afin d’ »optimiser » la rentabilité au détriment des emplois, de l’environnement et d’une production de proximité. Au sein de l’industrie agroalimentaire, certains ont déjà pris le chemin d’une meilleure valorisation et de plus de valeur ajoutée.
L’écotaxe impactera le pouvoir d’achat des français : faux
Le transport pèse très peu dans le prix d’un produit. L’impact de l’écotaxe sur le bien de consommation final sera de l’ordre de 0,1 à 0,4 %. A titre d’exemple, pour un primeur, sur une liaison Ile de France-Bretagne, la hausse sera de 0,05 euros au kilo. L’écotaxe n’aura pas d’effet perceptible sur les prix à la consommation.
L’écotaxe permettra de réduire certains transports et de polluer moins : vrai
L’application de l’écotaxe provoquera une meilleure organisation du transport routier et une compensation de son coût par une meilleure optimisation des changements et la réduction des transports à vide. De plus en faisant payer plus les camions les plus polluants, elle incitera au renouvellement du parc et à une réduction des pollutions de l’air.
Sans écotaxe, on pourra financer les transports de demain : faux
L’écotaxe permettra de financer la modernisation des infrastructures routières, mais aussi ferroviaires, fluviales et portuaires. Sans le produit de l’écotaxe, comment la France pourra t’elle se donner les moyens de sa politique de report vers les modes de transports plus vertueux et comment pourra t’elle financer les transports de demain ?
Le contrat Ecomouv est un écran de fumée : vrai
Quoi qu’on pense du système de partenariat public privé (PPP), le contrat avec Ecomouv’ ne doit pas être pris comme prétexte pour enterrer définitivement l’écotaxe. Les frais de gestion, qui comprennent également le remboursement de l’investissement, à hauteur de 20% (au cœur de la polémique) sont-ils excessifs étant donnée l’importante logistique nécessaire à la collecte ? Pour un système similaire, l’Allemagne, est à environ 15% de frais de gestion. De plus, ce taux de 20% n’a jamais été caché et personne jusqu’à présent ne semble s’en être ému. Quand on veut se débarrasser de son chien, on l’accuse d’avoir la rage !
Télécharger la note de FNE : « Écotaxe : démêler le vrai du faux »
FNE et l’écotaxe: une mobilisation de longue date
Depuis plusieurs années, France Nature Environnement intervient comme force de propositions afin que l’Etat se donne les moyens, institutionnels comme financiers, d’une politique des transports véritablement intermodale et prenant en compte les enjeux environnementaux. Parmi ces enjeux, la France s’est engagée à réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre émises par les transports d’ici 2020.
En 2007, France Nature Environnement a œuvré pour que le Grenelle de l’environnement consacre les mécanismes
incitatifs visant à développer les modes de transports de fret les moins émissifs de gaz à effet de serre.
Un des « engagements Transports » du Grenelle était la mise en place d’une tarification d’usage de l’infrastructure routière par le transport routier de marchandises : l’éco redevance, avec dans un premier temps la création de la Taxe Kilométrique Poids Lourds (TKPL) sur le réseau national routier non concédé.
Initialement prévu en 2011, ce dispositif ne devrait être mise en œuvre qu’en 2013 voire même 2014.
Pour France Nature Environnement, la mise en œuvre de la Taxe Kilométrique Poids Lourds doit s’articuler avec la Directive Eurovignette dont la révision toute récente vient de concrétiser l’application du principe de « pollueur-payeur » en faisant acquitter au transport routier les coûts relatifs aux émissions de pollution, au bruit et à la congestion.
Il convient dès aujourd’hui, en s’inspirant du modèle européen, d’appliquer ce principe sur les réseaux nationaux et locaux.
La Taxe Kilométrique Poids Lourds permettra de favoriser le rééquilibrage entre les différents modes de transport de marchandises, en permettant un report de la route vers le rail et le fluvial. La hausse des péages qu’elle induira va produire un signal prix qui permettra ce rééquilibrage concurrentiel.
Les marges issues du produit de la taxe, au delà de ce qui sera dépensé pour l’entretien des réseaux existants seront directement versées à l’AFITF pour le financement des infrastructures de transports. Elles contribueront donc à financer de nouvelles infrastructures nécessaires à ce report modal.
Enfin, elle agira directement sur la demande de transports. L’augmentation des prix sera absorbée par la réorganisation et l’optimisation des circuits de distribution. La taxe permettra donc, indirectement, de diminuer le nombre de kilomètres parcourus par camions.